Général Gavin
Voilà un personnage taillé pour la légende ! D’abord, les circonstances qui entourent sa prime enfance ne sont pas vraiment claires : né à Brooklyn le 22 mars 1907, il est baptisé sous le nom de James Nally Ryan. Il est placé très rapidement en orphelinat, où, en 1909, l’adoptent Martin et Mary Gavin, une famille de mineurs de Pennsylvanie, dont il portera désormais le nom : James Maurice Gavin.
Il décroche son premier petit boulot à dix ans, en distribuant les journaux, et se passionne à leur lecture pour tout ce qui touche au premier conflit mondial. Il s’oriente ensuite vers la coiffure. La clientèle est essentiellement composée d’anciens mineurs : il se convainc de ne pas faire le métier de son père. Dans le même temps, ce qu’il apprend à l’école sur la guerre de sécession semble bien décider de sa future vocation. La famille peinant à boucler ses fins de mois, Gavin quitte l’école prématurément, dès 14 ans, pour travailler dans un magasin de chaussures (pour 12,50 $ par mois). Ce sera ensuite une compagnie pétrolière. Le jour de son 17ème anniversaire, il prend le train de nuit pour New-York, télégraphie à ses parents pour les rassurer, leur demandant de ne pas prévenir la police et leur promettant de trouver un travail sur place.
Il se présente dans un bureau de recrutement : l’âge légal pour s’engager est de 18 ans, sauf consentement parental. Sachant qu’il ne l’obtiendra pas, Gavin se déclare orphelin : il peut alors s’enrôler comme simple soldat. Affecté dans l’artillerie côtière, il se retrouve à Panama. Décelant son potentiel, ses chefs l’encouragent à suivre une académie militaire locale, dont les meilleurs élèves possèdent une chance d’intégrer West Point. Il y arrivera en 1925. Là, il travaille d’arrache-pied pour compenser, en dehors des cours, son déficit en enseignement général.
Il sort diplômé en 1929 et rejoint le camp Jones en Arizona. Celui-ci abrite des régiments entièrement composés de soldats noirs : c’est de ce moment que Gavin dénonce la ségrégation qui règne encore au sein de l’armée.
C’est ensuite l’école d’infanterie de Fort Benning, un séjour en régiment, avant un passage aux Philippines de 1936 à 1938 puis un retour au pays au sein du 7e RI.
En 1940, à nouveau West Point, comme instructeur cette fois, à l’école de tactique, où il mène une réflexion sur l’arme aéroportée. C’est elle qu’il rejoint en 1941. Après une période d’instruction spécifique, il prend le commandement d’une compagnie du 503e Régiment d’Infanterie Parachutiste. Il rédige un livre : Tactique et techniques des troupes aéroportées, fait un passage à l’école d’État-Major, et prend en juillet le commandement du 505e PIR.
Proche de ses hommes, montrant l’exemple et payant de sa personne, Gavin forge une unité d’élite. Il persévérera de plus belle lorsque, en février 1943, il apprend que la 82e Airborne dont fait partie son régiment a été choisie pour le prochain débarquement en Sicile. De fait, le 10 juillet, le 505e est aux premières loges : comme cela se reproduira en Normandie un an plus tard, une météo exécrable a dispersé les planeurs : les unités sont disséminées, ce qui fait croire aux Allemands qu’elles sont partout. Une fois encore, Gavin est le premier engagé dans les combats : avec une poignée d’hommes, il fait des prouesses face aux Panzers, et tient bon jusqu’au moment où les blindés le renforcent enfin. Il y obtient la Distiguished Service Cross.
En octobre 1943, devenu Général, il est affecté comme commandant en second de la 82e, avec laquelle il va donc préparer le Jour J.
L’objectif de la division, organisée en trois forces (la A, parachutée, commandée par le Général Gavin, la B, en planeurs, menée par le Général Ridgway, et la C, par mer, dirigée par Howell), consiste à : prendre possession d’une zone d’environ 25 km2 entourant la rivière Merderet, le contrôle de Sainte-Mère Église, des routes, des ponts, en particulier à La Fière et Chef-du-Pont, et de bâtir une ligne défensive allant de Sainte-Croix Renouf à Gourbesville.
Nous ne reviendrons pas sur le détail des opérations (voir le dossier sur les opérations aéroportées), la grande dispersion des combattants et leurs difficultés à se regrouper pour atteindre tous leurs objectifs. Tous ceux du premier jour n’ont pas été atteints, mais la tête de pont a résisté efficacement, et Sainte-Mère Église est libérée. En août, lorsque Ridgway est promu à la tête du XVIIIème corps aéroporté, Gavin lui succède au commandement de la division, devenant ainsi le plus jeune chef de division de la guerre : il n’a que 37 ans !
On le retrouve sautant sur les Pays-Bas avec sa division (d’où son surnom de “Jumping Jim”) lors de l’opération Market Garden. Atterrissant sur un sol en dur, il se blesse au dos, consulte, mais on lui assure que tout va bien. Ce n’est que 5 ans plus tard qu’on découvrira qu’il s’est en réalité fracturé deux disques lombaires ! La 82e quitte les Pays-Bas en novembre pour se reconstituer dans ses cantonnements français. Pour peu de temps : en décembre, la contre-offensive allemande dans les Ardennes l’envoie à la rescousse : Gavin et la 82e contiennent les Allemands à La Gleize, où ils n’arriveront jamais à percer : pendant que la 101e, encerclée à Bastogne, tient la place, c’est à la 82e que revient la lourde tâche de stopper l’avance des Panzerdivisions. Elle y arrivera ; le 26 décembre, les chars de Patton mettent fin au siège.
En avril 1945, la 82e est sur l’Elbe. Quelques jours avant l’armistice, elle libère le camp de concentration de Neuengamme, avant de faire la jonction avec l’Armée Rouge.
Après la guerre, Gavin exercera plusieurs hauts commandements ( Ve armée, VIIème corps) avant de devenir, en 1955, chef de la recherche et du développement de l’US Army. Là, il joua un rôle clé dans la mise sur pied de ce que l’on appela la Pentomic Division, unité alliant des moyens conventionnels perfectionnés à la possibilité d’employer des armes nucléaires tactiques.
Il quitte l’armée en 1958 (à seulement 51 ans) et est aussitôt recruté par la société Arthur D. Little Inc., cabinet international de conseil en gestion. Entré comme vice-président, il en deviendra président et restera président du conseil d’administration jusqu’en 1977, date à laquelle le Président Jimmy Carter l’estime trop âgé pour lui confier la direction de la CIA. On notera toutefois une parenthèse d’un an dans cette carrière dans le privé : de 1961 à 1962, à la demande du Président Kennedy, il accepte le poste d’ambassadeur des États-Unis en France. JFK voit là un moyen de renouer des relations plus chaleureuses avec la France de Charles de Gaulle : son calcul s’avéra efficace.
Le “Général sautant“ (“Jumping General”) meurt le 23 février 1990, un mois avant son 83e anniversaire. Il est enterré à West Point, dans la “Old Chapel”.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment :
- La guerre aéroportée (1947)
- Guerre et paix à l’âge spatial (1958)
- La crise maintenant (1968)
- A Berlin : les batailles d’un commandant de troupes aéroportées : 1943-1946 (1976).
Chaque 6 juin, des membres de sa famille, accompagnés d’associations d’anciens de la 82e, viennent se recueillir sur sa tombe.
La rue qui mène au pont de Nimègue (opération Market Garden) porte son nom.
Dans la ville de Mont Carmel, où il passa son enfance, un mémorial lui est dédié, ainsi qu’à Osterville, Massachussets, où il avait l’habitude de passer l’été en famille.
Dans “Le jour le plus long”, son rôle est interprété par Robert Ryan, qui est âgé de 53 ans au moment du tournage, quand Gavin en avait 37 (voix française de Raymond Loyer) ; et dans “Un pont trop loin”, par Ryan O’Neal, qui lui en a alors 36 (voix française de Bernard Murat).